Présentation de l'éditeur :
Le conflit entre laïcs et religieux en Israël touche au coeur de l'identité d'un État qui se veut à la fois «juif et démocratique».
Vieille de plus d'un siècle, cette opposition frontale est perçue en Israël comme une menace interne pour l'avenir de la société. Pour les uns, l'État est voué à sombrer dans l'intégrisme, ce qui ne peut que le conduire à sa perte. Pour les autres, Israël va perdre toute attache juive, donc sa raison d'être.
Pourtant la société israélienne s'est construite à travers ce conflit et devrait continuer à le faire aussi longtemps qu'il ne dépasse pas certaines limites. Mais si les laïcs peuvent accepter que des ultra-orthodoxes ferment des rues pour forcer au respect du repos sabbatique ou manifestent contre la tenue d'une gay pride dans la ville sainte de Jérusalem, il n'en va pas de même quand un ultranationaliste religieux assassine le Premier ministre Yitzhak Rabin, supposé avoir commis pire qu'une trahison, un sacrilège, puisqu'il était prêt à retirer Israël des territoires occupés.
Plus généralement, qu'est-ce qui fait qu'un vivre ensemble entre laïcs et religieux, en Israël ou ailleurs, devient très difficile ?
Ce livre questionne l'histoire de cette confrontation en insistant sur quelques temps forts : l'émergence du mouvement sioniste, la création de l'État en 1948, la montée du nationalisme religieux après 1967 et son déclin, illustré par le retrait de Gaza en 2005, dont l'auteur a été le témoin direct.
Cet essai s'efforce en outre de démêler ce qui relève de la tradition religieuse au sens strict de ce qui témoigne de dérives nationalistes, et tente de comprendre pourquoi la religion juive, dans sa forme dominante en Israël, se prête à une telle alliance avec la droite nationaliste.
Journaliste franco-israélien, spécialiste de la politique israélienne, Marius Schattner est correspondant depuis plus vingt ans de l'AFP à Jérusalem après avoir débuté au quotidien Libération. Il est l'auteur d'une Histoire de la droite israélienne (Complexe, 1991) et d'une série d'articles dans la revue esprit qui ont préparé cet ouvrage.
Extrait :
Extrait de l'avant-propos :
La conception de ce livre est liée à un événement très personnel : le «retour à la religion» de ma fille, puis son mariage selon un rituel strictement orthodoxe. Sur un tout autre plan, quelques années plus tard, j'ai été témoin de ce qui a été vécu par les Israéliens comme un drame collectif : le démantèlement des colonies de Gaza, le camp religieux tentant en vain de s'y opposer.
À chaque fois, mais naturellement à des degrés très différents, je me suis senti directement concerné et terriblement mal à l'aise. Jusqu'où peut-on rester proche et être en conflit ? C'est toute la thématique de cette étude sur la fracture entre laïcs et religieux.
Ma fille s'est tournée à son adolescence vers la religion, devenant une juive pieuse, au bout d'une quête douloureuse, d'une recherche passionnée d'un sens à la vie, dans un pays déboussolé où la religion se présente comme alternative, quand les mythes fondateurs s'effondrent et la contestation politique n'offre guère d'espoir.
Au mariage, le rabbin a invité le jeune couple sous le dais à «reprendre la voie tracée par leurs grands-parents», sautant diplomatiquement une génération, vu qu'à se yeux les parents des deux fiancés étaient bien trop laïcs pour être cités en exemple. L'ironie de l'affaire, c'est que ces grands-parents étaient tout aussi mécréants.
Je pensais à ma mère qui, sur son lit de mort dans un hôpital de Vienne, m'a murmuré en voyant un prêtre entrer dans la salle : «Voici l'opium du peuple». Certes il s'agissait d'un prêtre chrétien, mais sa réaction n'aurait pas été bien différente s'il avait été rabbin, compte tenu de son hostilité viscérale envers le religiösenwahn (fanatisme religieux).
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