Extrait :
La première fois que je vis cet homme, je ressentis une admiration proche de l'éblouissement, sentiment dont l'évocation m'émeut encore profondément aujourd'hui. C'était le 24 juillet 1949, jetais parti d'Angoulême à pas d'heure, avec valise et casse-croûte, pour assister au Carrousel de Saumur en récompense de ma réussite au baccalauréat... Assis dans la tribune A, le coeur battant, je sus tout de suite, lorsqu'entra en piste le commandant Georges Margot, vingt septième écuyer en chef du Cadre Noir de Saumur, que sa prestance, son aisance à cheval et son autorité étaient hors du commun et qu'il serait à jamais mon modèle, mon «inaccessible étoile». Qui était ce jeune chef de 47 ans dont la fréquentation et les conseils eurent par la suite une influence déterminante sur ma carrière ?
Avant la grande-guerre, le père de Georges Margot sert à l'École Spéciale Militaire. C'est donc à Saint-Cyr qu'il naît le 30 mai 1902. Il fait un bref séjour au Prytanée militaire de la Flèche puis est «remis à la disposition de sa famille» comme il disait lui-même plaisamment. A vingt ans, c'est le service militaire dans un régiment d'Afrique du Nord, le 22ème Spahis. Libéré de ses obligations, il devient l'employé d'un de ses oncles, alors à la tête d'une compagnie de chemins de fer. Malgré - ou peut-être à cause de - ce traitement de faveur, il renonce bientôt à cette activité et décide de reprendre du service dans la Cavalerie. Nommé sous-officier, il est affecté à l'École de Saint-Maixent en qualité de sous-maître de manège, sans avoir suivi, semble-t-il, le cours préparatoire à cette fonction. Il est probable que ses dons exceptionnels l'aient dispensé de suivre la filière ordinaire... Le voici donc Maixentais, heureux de monter à cheval et de disputer ses premières courses, enregistrant son premier gagnant à Angoulême. Le futur général Schlesser, alors capitaine, commande la section de cavalerie. Il a remarqué ce jeune homme de talent, le protège et provoque sa mutation au 9ème Dragons à Épernay. But de la manoeuvre : préparer le concours d'entrée à Saumur et devenir ainsi officier «par la petite porte» (voie imaginée par le général du Barail pour permettre, à côté de Saint-Cyr, le recrutement indirect d'officiers d'activé).
Après plusieurs tentatives infructueuses qu'il racontait avec humour et qui justifieraient à elles seules un récit, Georges Margot est enfin admis au concours d'entrée de l'année scolaire 1931-1932. Avec... une note maximale en équitation. Un cheval récalcitrant s'était réfugié dans un coin du manège encombré d'un tas de sciure de réserve et refusait d'en descendre, malgré les objurgations d'un malheureux candidat. L'écuyer animant la scène dit à Margot : «Si vous le sortez de là, je vous donne 20». Ce qui fut fait, Margot concluant modestement : «Le cheval ne demandait que cela». Son stage se déroule sans histoire, de même que l'année d'application au terme de laquelle il est déjà repéré comme un futur écuyer.
Présentation de l'éditeur :
Le colonel Margot fut sans conteste l'un des plus grands écuyers du Cadre Noir de Saumur. Il en a été le «grand dieu» emblématique de 1946 à 1958. Au terme de cette longue période, il lui avait redonné la qualité et le prestige dont il jouissait avant la guerre.
Homme de cheval certes, Georges Margot était aussi un soldat courageux et un artiste reconnu. Son oeuvre est digne du panthéon des peintres de chevaux.
Le général Durand, quant à lui, fut écuyer en chef de 1975 à 1984. Ayant bien connu le colonel Margot, il a pieusement recueilli son enseignement. Il nous fait partager cet héritage émaillé de quelques anecdotes savoureuses qui montrent que les «dieux» de Saumur n'en sont pas moins des hommes.
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