Extrait :
Extrait de l'introduction
C'est dans l'ombre des Ptolémée que commence à Alexandrie l'aventure étonnante de l'orgue. La naissance de l'instrument à tuyaux en Égypte hellénistique au IIIe siècle avant J.-C. est en effet un épisode singulier de l'histoire du monde méditerranéen.
Un événement obscur et d'abord ambigu : l'invention de cette machine musicale appartient-elle vraiment, comme le veut la tradition, à l'histoire de la musique ? Ou bien doit-on plutôt la rattacher à celle des sciences et des techniques, comme engagerait à le faire le caractère apparemment fort complexe de cette machine musicale ?
Sans doute ces deux conceptions de l'instrument ne sont-elles pas incompatibles, mais ce serait méconnaître sa vraie nature (et peut-être aussi le véritable objectif de son inventeur) que de l'enfermer, comme on le fait souvent, dans sa seule fonction musicale.
Ce serait également se priver de la possibilité d'apprécier le caractère original de l'orgue primitif et renoncer à découvrir le lien qui le rattache à des innovations plus récentes apparues longtemps après lui dans des domaines fort différents. Ce serait enfin s'interdire de comprendre l'intérêt persistant suscité par l'orgue ici ou là dans le parcours mouvementé qui fut le sien pendant le premier millénaire de l'ère chrétienne.
Car son histoire est jalonnée de rebondissements inattendus, qu'on en juge plutôt : apprécié en Grèce puis à Rome à l'époque hellénistique, l'usage de l'instrument se répand dans les lointaines provinces de l'Empire romain, comme l'attestent divers témoignages iconographiques des IIe et IIIe siècles après J.-C.
Pourtant il disparaît ensuite progressivement en Occident au Ve siècle mais trouve alors un solide point d'ancrage dans l'Empire d'Orient pour dix siècles encore.
Or voici qu'au VIIe siècle, l'Islam arabe s'implante au Proche Orient chrétien, et l'orgue va cette fois éveiller l'intérêt des savants de Bagdad au point qu'un instrument de facture syrienne sera offert en présent à l'empereur mongol de Chine au XIIIe siècle. Entre temps, l'orgue byzantin, fortuitement réapparu en Occident au VIIIe siècle à la cour de Pépin le Bref, sera peu à peu adopté dans la liturgie polyphonique naissante et il se développera au Moyen Age et dans les temps modernes avec la fortune que l'on sait.
Autre singularité : au cours des IIIe et IVe siècles de notre ère, une mutation d'ordre technique, d'abord discrète, va profondément transformer l'orgue hydraulique primitif en instrument à soufflet, une évolution progressive qui, en simplifiant la facture, facilitera la diffusion de l'orgue.
Présentation de l'éditeur :
Dès que l'on s'intéresse à lui, l'orgue intrigue et bien des questions se posent sur cet objet fascinant apparu en Orient, il y a vingt-trois siècles. Né à Alexandrie, de l'inventivité de Ktésibios, dit le "Mécanicien", le premier orgue "hydraulique" fut aussi le premier instrument de musique à clavier. Techniquement très élaborée, tout à la fois objet d'art et de science, instrument de culte, outil social et culturel, l'orgue touche à bien des domaines dont celui de la spiritualité. Aujourd'hui encore, nul ne peut entrer dans le silence d'une église sans chercher du regard l'imposant et mystérieux orgue. Et si le hasard veut que l'on y joue une oeuvre de Bach, l'émotion nous emporte et la magie qui a traversé les siècles et les cultures opère. De bois, d'étain et de vent, la machinerie s'anime au toucher de l'artiste jusqu'à l'enchantement
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