Extrait :
1953
La Sorbonne amphi Richelieu
Pendant cette première heure d'examen, cher grand ami, qui, me hissant la liberté de vous écrire, confirme du même coup mon échec probable, je me plais à songer combien étrange est mon destin.
Je comptais vous annoncer au moins deux succès. Mais, la semaine dernière déjà, je ratai l'Histoire ancienne malgré une brillante explication de texte sur Alcibiade.
Je n'avais revu - et bien revu - que les civilisations supérieures et sublimes de la Grèce et de Rome.
Je suis donc bon pour des aubes nouvelles.
Vous ferais-je part de mes projets (car l'avenir m'intéresse bien davantage que le récent passé). J'envisage les trois inscriptions suivantes :
- Histoire moderne contemporaine (3e fois)
- Histoire ancienne (5e fois)
- Sociologie (eh eh : 1re fois !).
Jean La Haut
MADAME LÉON LA HAUT
Belloy-sur-Somme
Paris, ce 28 mai 1953
Ma chère maman, bien que j'aie horreur de parler de ma santé, je cours au-devant de ton inquiétude en t'annonçant que j'ai 36,8° de température et que je vais tout à fait bien.
Mes examens ont eu lieu mardi soir. Il y a une providence pour les abrutis, cela ne pouvait mieux se passer.
- Histoire des idées politiques : «La République de Platon» (papier tiré). Sujet facile. Examinateur charmant et peu documenté. J'en ai dit plus que je n'en savais, inventant au besoin, truquant des citations, bref dans une excellente forme. Succès assuré.
- Histoire générale : «La crise de succession de l'Autriche de 1715 à 1748» (papier tiré). J'avais revu mes notes sur le sujet le matin en arrivant.
Les prochaines interrogations auront lieu - c'est fixé à présent - les 3, 5 et 25 juin au matin. Propédeutique : 15 et 16 juin.
Revers de médaille : le temps n'est plus où je pouvais travailler cinq heures d'affilée sans fatigue, j'ai pris un remontant dont je vous envoie le prospectus, j'espère que ça va aller. De toute façon il ne fait plus chaud, mais je suis accablé de travail. Le détail en est tel que je perds parfois du temps à me demander quelle en est l'utilité. Puis je me réveille et repars. Je crois que la vie est ainsi faite qu'elle est trop courte pour qu'on s'interroge par trop sur elle.
(...)
Présentation de l'éditeur :
C est le retour au roman de Marie Billetdoux, un roman où courent la sève et la fièvre de la jeunesse, une jeunesse du début des années 1950, assoiffée de poésie, de littérature, dans un Paris méconnaissable au coeur de ce Quartier latin dont on a presque oublié le nom, la magie, le parfum.
Jean La Haut, 21 ans, Lim Houang-Ho, 20 ans, Sorbonne, amitiés, chambres de bonne, brocs d eau au fond du couloir, mots sous la porte, l amour, le catholicisme, Valéry, Mallarmé, l encens, la France, les vieilles dames, la campagne..., et chez tous sans cesse, la peur au ventre de manquer sa vie !
Nous sommes à la fois dans le quotidien et dans le tragique.
Si vous entendez dire qu après la publication de C est encore moi qui vous écris, et l événement considérable qu il a constitué, Marie Billetdoux a tenté le pari fou, incroyable, d une réplique romanesque de son oeuvre monstre, croyez-le, c est vrai.
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