Il n'y a plus de bourgeoisie ! Les valeurs conservatrices ont changé de camp et se terrent sous le masque des minorités. La thèse d'Alain Minc fait suite à un courant de pensée actuel qui pose le constat suivant : "L'idéologie des groupes qui se prétendent dominés est devenue par le simple effet du vide, l'idéologie dominante." Les contestataires d'hier seraient-ils devenus presque malgré eux les apparatchiks de "l'idéologie dominante" pour paraphraser Bourdieu ? Les minorités souffrantes de naguère se seraient-elles transmuées en bien-pensants d'aujourd'hui ? La question est en débat. L'essai d'Élisabeth Lévy,
Les Maîtres censeurs, et le débat sur les nouveaux réactionnaires (à lire :
Le Rappel à l'ordrede Lindenberg) avaient montré que le débat d'idées tendait de plus en plus en France a se neutraliser. Une adhésion inconditionnelle de principe en faveur des minorités tenant lieu, sans souci de réflexion, d'argumentation, de vérité absolue et de vertu indépassable. C'est donc à toutes ces minorités qu'Alain Minc s'adresse. Non pour contester leur légitimité mais pour souligner qu'ils sont aujourd'hui le nombre et la force, c'est-à-dire le pouvoir. Aux gays, aux féministes, aux "communautaristes" de toutes sortes, aux "rentiers de la mondialisation", "névrosés de l'antiaméricanisme", "apôtres du néo-populisme", Minc lance ses
Épîtres, invitant chacun à la réflexion et au débat pour savoir si nous ne sommes pas tous "en train de signer, sans le savoir, la fin de l'universalisme dont nous étions, depuis le XVIIIe siècle, les héritiers successifs".
Alain Minc, penseur libéral – et libéré pour l'occasion – propose de sortir de l'ornière du flottement intellectuel ambiant empêtré, pense-t-il, soit dans la naïveté, soit dans l'hostilité. Pour contrecarrer la pesanteur d'un risque de "politiquement correct" à la française, ces Épîtres à nos nouveaux maîtres trouvent étonnamment des accents de prosodie révolutionnaire. Alain Minc voudrait-il à son tour "changer la vie" ? On aura tout vu. --Denis Gombert
" Le conformisme a changé de camp. Ce n'est plus le vieux conformisme bourgeois qui règne, mais un nouveau " politiquement correct" à la française. Il est l'apanage des maîtres du moment : féministes, gays, communautaristes, croisés de l'anti-mondialisation, dévots de la pureté, apôtres du populisme, parmi d'autres. Leur discours est omniprésent ; leurs aspirations triomphent ; leurs fantasmes fabriquent désormais l'imaginaire collectif. La société a abdiqué devant eux, comme elle le faisait autrefois devant les seules classes dirigeantes. Etonnant renversement de perspective : est devenue dominante l'idéologie de ceux qui ont l'intelligence de se présenter encore comme les dominés. "Ni Dieu ni maître": pourquoi le plus beau des principes ne s'appliquerait-il pas à nos nouveaux maîtres ? Pourquoi échapperaient-ils à toute interpellation ? Pourquoi, exhibant, tels des quartiers de noblesse, leurs souffrances passées ou leur marginalité d'hier, seraient-ils à l'abri de la critique qu'ils ont, à juste titre, développée à notre endroit ? Dix épîtres à nos nouveaux maîtres pour lever cette chape de plomb. " A.M.