Extrait :
Extrait du prologue
TANGER, 2005
Un orage se prépare. Il le sent à l'étrange immobilité de l'atmosphère. Pas un mouvement, pas un vêtement soulevé par le vent, pas un souffle d'air dans les rues étroites de Tanger.
Au-delà des fils à linge tendus entre les maisons, au-dessus des toits de tuiles, il aperçoit un petit morceau de ciel. Un ciel d'une luminosité étrange, bleuâtre, traversé de lueurs presque boréales.
Il touille une tasse de lait chaud, cligne des yeux et se remet à contempler, au-dehors, les couleurs changeantes et irréelles.
Ensuite, reposant sa cuiller sur le comptoir de la cuisine, il se détourne de la fenêtre ouverte et s'en va rejoindre le petit garçon assis par terre, au visage sérieux, concentré sur un puzzle posé devant lui.
- Tiens, dit-il en lui tendant la tasse. L'enfant ne lève pas la tête.
- Allez, Dillon. Il faut tout boire.
Le petit le regarde et ses traits se chiffonnent.
- Non, papa, je veux pas.
Son père lui présente de nouveau la tasse. Le garçon hésite avant de tendre la main et, au même instant, l'homme sent flotter sur lui l'ombre d'une indécision. Il ne s'y arrête pas et encourage le petit d'un hochement de tête. L'enfant boit lentement, à grands traits. Un filet de lait coule au coin de sa bouche, que le père essuie. Dillon avale le liquide une dernière fois et tend la tasse.
- Tiens, papa. Fini.
Harry reprend la tasse et va la rincer à l'évier. Un très fin résidu poudreux surnage dans le fond. Il ouvre le robinet plus grand et regarde le résidu monter, déborder de la tasse et disparaître dans l'évier.
Il profite du robinet ouvert pour emplir d'eau une casserole qu'il pose sur la cuisinière. Celle-ci est un peu dure à allumer : il faut actionner plusieurs fois l'allume-gaz en tournant le bouton pour que la flamme prenne.
La semoule est sortie. Il prend une poignée de raisins secs qu'il dépose dans un bol. Une demi-bouteille de brandy est posée sur le comptoir à côté de l'huile d'olive. Harry empoigne la bouteille et recouvre les raisins d'alcool. Avant de la reboucher, il la porte à son nez et inhale. Puis, rapidement, presque furtivement, il boit une lampée avant de revisser le capuchon et de reposer la bouteille à côté de l'huile d'olive.
Il contemple à nouveau les couleurs changeantes du ciel. Il a envie de les faire remarquer à son fils, mais se retient. Dillon est en train de terminer son puzzle, le sommeil le gagne.
Harry se remet à la tâche. Il verse un peu d'huile d'olive dans sa main droite et en enduit le couteau. Il hache des dattes, les réserve dans un autre bol et passe un doigt sur la lame avant de poser les abricots sur la planche.
Par la fenêtre ouverte, il perçoit le calme qui règne dans les rues. D'habitude, à cette heure-ci, dans les appartements voisins, on entend les gens s'affairer à préparer le repas, mais ce soir il n'y a ni éclats de voix, ni couverts entrechoqués, ni gras de cuisine grésillant dans des poêles, ni pleurs de bébés affamés. Un grand silence s'est abattu sur cette partie du monde. Comme si tous les habitants de Tanger retenaient leur souffle. Il se tourne vers Dillon.
- C'est l'heure d'aller au lit.
Présentation de l'éditeur :
Un soir banal, à Tanger. Harry, lassé d'attendre le retour de sa femme Robin, quitte quelques instants l'appartement, laissant Dillon, leur fils de trois ans, endormi. Et puis le bruit, terrible. Un tremblement de terre. Le corps de Dillon ne sera jamais retrouvé. Cinq ans plus tard, Robin, enceinte, essaie de tourner la page. Harry, lui, n'y parvient pas. Lorsqu'il croit apercevoir Dillon au bras d'une femme dans une manifestation, sa vie bascule à nouveau. Et s'il y avait pire que de perdre un enfant ? " Un thriller psychologique sur le poids des mensonges... " Olivia de Lamberterie – " Télé Matin "
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.