Extrait :
1984
Danny avait vu Mindy nue une fois auparavant, quand ils avaient tout juste huit ans. Il y avait longtemps de ça. Rien qu'eux deux, dans un champ de maïs derrière la salle de bowling de Pickett. Mindy s'était entièrement déshabillée et, frissonnant dans le froid de la nuit hivernale, elle avait attendu que Danny l'imite. Danny avait regardé son corps nu l'espace d'une seconde embarrassante, ses yeux parcourant tous les endroits que dissimulaient habituellement son jean à revers et sa chemise en flanelle. Elle avait la peau douce et lisse, ponctuée de quelques bleus et écorchures aux genoux et aux tibias. Il était curieux, bien sûr, mais ça ne semblait pas correct de regarder une fille quand elle était toute nue. Ça lui donna une sensation bizarre. Son estomac se serra, douloureux, comme quand il mangeait trop de bonbons au caramel salé. Lorsque Mindy lui dit que c'était à son tour de se déshabiller, l'esprit de Danny s'embrouilla encore plus que d'habitude. C'était une mauvaise idée, il le savait. Il allait avoir des ennuis, à tous les coups. Si oncle Brett l'apprenait, il enlèverait sa ceinture et lui collerait une bonne raclée sur l'arrière-train. Danny ne voulait pas que ça se produise, il ne voulait pas être à nouveau battu, aussi détala-t-il à toutes jambes entre les plants de maïs morts, ses pieds glissant sur des plaques de verglas, le visage et le cou griffes par les feuilles des épis secs, et il n'avait pas parcouru beaucoup de chemin qu'il déboucha soudain sur d'autres ennuis. Mike Sokowski et Cari Robinson l'interceptèrent avant qu'il n'atteigne la salle de bowling et lui flanquèrent une sacrée dérouillée. Sokowski était le plus mauvais des deux. Même à l'époque.
C'était donc la deuxième fois qu'il voyait Mindy nue. Son corps étendu sur le sol du mobil-home à côté de Danny comme une poupée de chiffon abandonnée. Il s'agenouilla près d'elle, les mains croisées et serrées sur ses cuisses comme s'il priait au pied de son lit. Le tapis fané était imprégné du sang qui s'échappait d'une plaie ouverte à l'arrière de son crâne, et quelques éclats de verre brisé étaient encore fichés dans son cuir chevelu. Les jambes de Mindy étaient tordues sous elle à un angle incongru - les bras plies au-dessus de la tête, comme s'il venait de la trouver au milieu d'un étirement. Danny avait envie d'écarter la mèche blonde emmêlée qui lui couvrait à moitié les yeux - encore entrouverts d'un centimètre -, mais il avait peur de les regarder. Peur qu'ils soient différents. Différents de ses grands yeux habituels, écarquillés et joyeux.
Il jeta un regard à sa silhouette mince et inerte - ses jambes, son ventre, ses bras - et évita encore ses yeux. La bouche de Mindy était ouverte, comme surprise en plein bâillement. Ses deux jolies incisives blanches étaient cassées et lui donnaient l'air d'avoir des canines de vampire.
Danny se balança d'avant en arrière, des larmes et de la morve dégoulinaient sur ses lèvres, gouttaient de son menton comme l'eau d'un robinet au débit ralenti. Il attendait qu'elle se réveille. Il attendait qu'elle bouge, rien qu'un peu. Elle était peut-être juste rudement blessée. Mais Danny savait qu'elle était sans doute bien plus que blessée. Il n'avait encore jamais vu de cadavre - à part à la télé, mais il savait qu'à la télé c'était pour de faux. Ses parents étaient morts tous les deux, mais il n'avait pas pu les revoir avant qu'ils montent au paradis. Il n'avait jamais eu l'occasion de leur dire adieu.
- Tu vas t'en sortir, Mindy. D'accord ? Tu vas t'en sortir.
Revue de presse :
DANS LA PRESSE Avec ce bouleversant premier roman, remarquablement écrit, l'Américain Samuel W. Gailey réussit un vrai coup de maître : signer un furieux thriller, âpre et sanglant, hanté de patibulaires rednecks et de paumés à la dérive, et construire les contours d'un étrange polar gothique. Philippe Blanchet, LE FIGARO MAGAZINE Les scènes où les deux personnages sont directement mis en opposition tiennent-elles plus du conte que du roman noir – certains passages peuvent même se targuer de faire preuve d’un beau lyrisme. C’est dans ces moments-là que Deep Winter révèle ses véritables qualités et laisse, enfin, entrevoir les profondeurs promises par son titre. Quentin Civiel, LE MONDE DES LIVRES C'est une Amérique vraie, peu reluisante, qui vous saute à la gueule à chaque chapitre. L'une des meilleures surprises de la rentrée. Thibaut Amant, POLARAMA En de courts chapitres, il [Samuel Gailey] donne tout à tour le point de vue de chacun des protagonistes et maintient le suspense jusqu'à l'apaisement final quand la vérité éclate. NOTES BIBLIOGRAPHIQUES Un premier roman d'une incroyable densité émotionnelle. Jean-Paul Guéry, LE COURRIER DE L'OUEST Une étoudissante chasse à l'homme. Serge Bressan, LE QUOTIDIEN Le portrait d'une ville empêtrée dans d'odieux secrets et d'un personnage hors du commun, digne du Lennie de Des souris et des hommes de Steinbeck LIBRARY JOURNAL Gailey a une écriture cinématographique, qui donne à ses personnages une force saisissante et apporte beaucoup de grâce à cette histoire où le bien et le mal s'affrontent. KIRKUS Un texte corrosif, brutal, et remarquablement bien écrit. BOOKLIST Magnifiquement écrit et incroyablement dérangeant THE NEW YORK TIMES
Magnifiquement écrit et incroyablement dérangeant. --The New York Times
Le portrait d'une ville empêtrée dans d'odieux secrets et d'un personnage hors du commun, digne du Lennie de Des souris et des hommes de Steinbeck. --Library Journal
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