Pourquoi les artistes modernes et contemporains ont-ils, aussi obstinément, exploré et utilisé les ressources de l'empreinte, cette façon en quelque sorte préhistorique d'engendrer les formes ? - En quoi le jeu, apparemment si simple, de l'organe (la main...), du geste (enfoncer...) et de la matière (le plâtre...) accède-t-il à la complexité d'une technique et d'une pensée de la " procédure " ? - En quoi cette technique, qui d'abord suppose le contact, transforme-t-elle les conditions fondamentales de la ressemblance et de la représentation ? - A quel genre d'érotisme ce travail du contact donne-t-il lieu ? - Quelle sorte de mémoire et de présent, quelle sorte d'anachronisme l'empreinte propose-t-elle à l'histoire de l'art aujourd'hui ? A ces questions le présent essai tente de répondre en retraçant une histoire synoptique de l'empreinte, mais aussi en modifiant nos façons habituelles de regarder l'image dans sa singularité : depuis le modèle optique, voire métaphysique, de l'imitation obtenue vers celui, tactile et technique, de son travail en acte. Cela pour modifier nos façons habituelles de comprendre chaque œuvre d'art - celle de Marcel Duchamp prise ici comme cas exemplaire - dans son historicité : depuis le modèle déductif qui peut nous faire imaginer un mouvement de " progrès " du modernisme au postmodernisme, vers un modèle plus complexe qui tient compte des intrications de temporalités hétérogènes dont toute image est faite.
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Partout des empreintes nous précèdent ou bien nous suivent. Beaucoup nous échappent, beaucoup disparaissent, quelquefois sous nos yeux mêmes. Certaines transparaissent, d'autres crèvent les yeux. D'autres ont disparu depuis longtemps, mais quelque chose nous dit qu'elles demeurent, enfouies, repérables par quelque détour archéologique du désir ou de la méthode. Certaines quelquefois semblent nous poursuivre. Beaucoup nous survivront. Aussi innombrables soient-elles, cependant, on peut se demander si elles forment bien un genre, tant elles diffèrent entre elles. L'empreinte semble ne se dire qu'au pluriel, justement parce qu'elle semble n'exister qu'en particulier : particuliers, chaque sujet de l'empreinte, chaque objet qui s'imprime ; particulier, chaque lieu où s'opère l'impression (selon la matière, la texture, la plasticité du substrat) ; particuliers, chaque dynamique, chaque geste, chaque opération où l'empreinte advient.
Comment, alors, parler de l'empreinte en général ? Impossible, et même absurde, de tenter un récolement. Possible, mais vain, de chercher des typologies : elles seraient très vite arborescentes jusqu'à l'infini, ou plutôt jusqu'à un nombre trop considérable de ces particularités, de ces «circonstances d'empreinte». Je n'aurai pu, dans cet essai, que pointer du doigt quelques-unes de ces circonstances - circonstances frappantes ou, pour le dire autrement, problématiques : dispensatrices de régularités et de singularités, de «symptômes» où l'empreinte devrait trouver, je l'espère, une esquisse de questionnement, un début d'élaboration problématique, sans se reclore par avance sur un nombre fixe de critères choisis autoritairement. Il eût été, en particulier, fort trompeur de renvoyer l'empreinte au pur passé d'une condition préhistorique de l'image (que cette condition soit ressentie comme obscurantiste ou comme paradisiaque) ; et non moins trompeur de «bloquer» l'empreinte dans le présent faussement spécifique, faussement définitif, d'une condition moderne, voire «postmoderne», des arts visuels.
Il faut donc jouer, si je puis dire, sur les deux tableaux du temps : c'est la première exigence d'une pensée de l'empreinte. Nommons-la un point de vue anachronique. Ce point de vue n'est pas un refus de l'histoire, bien au contraire. Mais il faut prendre acte du fait qu'une histoire de l'empreinte n'existe pas. Une histoire manque pour ce processus concret qui se donne comme un savoir-faire de très longue durée, applicable à des champs matériels et techniques extrêmement variés ; une histoire manque pour ce paradigme théorique qui a servi de modèle à tant de pensées abstraites, notamment lorsqu'il s'est agi de penser des notions aussi fondamentales que celles du signe, de la trace, de l'image, de la ressemblance, de la généalogie ; une histoire manque pour cette procédure - à la fois concrète et théorique - où se sont définis les choix formels et opératoires de tant d'artistes, notamment au XXe siècle.
Le point de vue anachronique, qui est d'abord un moment, une épreuve d'anachronisme, s'impose lorsque manque l'histoire. Non pour se substituer à elle, mais bien pour la faire naître en un point qu'elle méconnaissait jusque-là. C'est ainsi que Cari Einstein procéda lorsque, faisant naître la sculpture africaine en tant qu'objet nouveau dans l'histoire de l'art, il en appela au moment d'anachronisme que constituait la valeur d'usage cubiste - c'est-à-dire «actuelle», en 1915 - d'une statuaire réduite jusque-là au pur statut de document ethnographique ou fonctionnel. C'est ainsi que Walter Benjamin énonça, à travers l'expression d'«image dialectique», une hypothèse admirable sur l'anachronisme des oeuvres d'art qui ne sont pas encore parvenues à la «lisibilité» de l'histoire : en elles, disait-il, «l'Autrefois rencontre le Maintenant dans un éclair [...] : ce n'est pas quelque chose qui se déroule, mais une image saccadée» - image dans laquelle passé et présent se dévoient, se transforment, se critiquent mutuellement pour former quelque chose que Benjamin nommait une constellation, une configuration dialectique de temps hétérogènes.
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