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J'ai dit oui.
Dans le bureau de mon père qui, comme chaque matin, était assis à sa table de travail et continuait à lire et à écrire, penché sur ses fiches sans me regarder, j'ai dit oui, sans même écouter sa question que je savais pourtant décisive et que je n'avais jamais pu poser. Debout à côté de lui, aussi intimidée que s'il s'agissait de lui faire signer un carnet de notes ou rédiger un mot d'excuse, mal à l'aise, osant à peine bouger, comme si je voulais qu'il oublie ma présence alors que c'était lui qui m'avait fait venir, sachant que de toute façon je le dérangeais dans son travail, qu'il allait perdre le fil de la phrase dont il ne retrouvait déjà plus le début et qu'il continuait à écrire, cependant, faisant un geste d'impatience et répétant avec agacement le dernier mot qu'il avait écrit, ou tapé, les fresques du Jugement dernier, ou le retable du Buisson ardent, la main droite encore suspendue dans le geste d'écrire, ou de taper, cet autoportrait de Rembrandt qu'on n 'a jamais retrouvé, mais s'interrompant pourtant, sans vraiment s'apercevoir de ma présence à côté de lui, il m'a demandé si je savais : Tu sais pour Paul ?
J'ai dit oui, comme si je savais, mais je ne savais pas. J'avais toujours su qu'il ne fallait pas savoir, qu'il ne fallait pas poser de questions. Cette question-là.
J'avais vingt-cinq ans.
Mon père m'avait fait venir de l'autre bout de la France où je vivais, pour signer un document dont il ne m'avait rien dit, sinon que c'était très important. Cela il me l'avait dit. Il fallait que je vienne à Paris de toute urgence. Et j'étais venue, me retrouvant dans le bureau où je l'avais toujours vu travailler, debout à côté de lui qui écrivait, avec la même appréhension et la même angoisse que le samedi d'octobre où, après mon entrée en classe, à dix ans, il avait examiné sans rien dire mon premier bulletin scolaire.
C'est moi, ce jour-là, qui devais parapher sans commenter, sans même regarder ce que je signais. Non qu'il voulût me cacher ce qu'il me demandait de signer, mais il était évident pour lui que je devais faire ce qu'il disait : il ne m'a pas expliqué ce que j'allais signer, ni pourquoi c'était important, cela ne me regardait pas. Il m'a seulement précisé ce que je savais sans l'avoir demandé, que c'était au sujet de Paul.
Tu sais pour Paul.
La question n'en était pas une. C'était une affirmation qui n'avait pas pour but de susciter un questionnement de ma part, mais au contraire, de désamorcer toute question, s'il y en avait une qui pointait. Je connaissais son autorité. Je sentis le ton impérieux, sans répartie possible. Je n'avais pas l'habitude de questionner ni de discuter.
J'ai dit oui.
J'ai construit ce livre, comme une mosaïque, au fil du temps, de même que l'archéologue reconstitue l'image perdue du Bouclier d'Alexandre. J'ai suivi le fil d'une quête identitaire qui mène la narratrice, d'abord enfant, puis adulte, à tenter de reconstruire un passé de sa famille qui plonge jusqu'à la guerre qu'elle n'a pas connue, au moment de la rafle du Veld'hiv, puis de la rafle des Roumains. Ce n'est donc pas sur son propre passé qu'elle s'interroge, mais sur celui d'un autre, un frère mystérieusement apparu, avant sa naissance à elle : ce petit blond aux yeux bleus perdu dans une famille de bruns, qui fut intégré à l'ensemble des «frères-et-soeurs», sans que rien ne fût dit aux enfants nés après-guerre, est en fait enfant juif caché dans la famille, alors qu'il avait quatre ans et que ses parents avaient été déportés. Je me suis toujours étonnée qu'un acte de résistance, dont les parents d'une famille déjà nombreuse auraient pu se glorifier, fût caché aux enfants nés après. C'est de ce non-dit, devenu pour la narratrice une source de trouble et de questions sans réponses, qu'est née la fiction. En évoquant ce silence, conforté par une éducation coupée du monde et de la parole, j'ai retrouvé la voie (et la voix) de toutes les vérités fictives de l'enfance, puis celle de la douloureuse enquête de l'âge adulte. Ainsi s'est écrit un «roman familial», en quelque sorte, qui m'a amenée à plonger dans un moment bouleversant d'une histoire de famille, tout autant que dans un épisode particulièrement tragique de l'histoire française. L'écriture de ce roman au long cours en a pris un caractère de gravité.
Agnès Verlet
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