Synopsis
L'oeuvre de Xavier Noiret-Thomé constitue depuis 1994 un ensemble de peintures d'une rare diversité. Le lecteur découvrira les influences assumées et ingérées par l'artiste dans sa peinture. "On peint toujours ce que l'on est", dit Xavier Noiret-Thomé, se référant à Pollock et à Cézanne, et précisant ailleurs : "Je m'empare de tout : de l'Histoire, de la mémoire, des formes cinématographiques autant que spécifiquement plastiques, au travers d'un espace-temps qui n'est pas linéaire mais élastique." Selon Bernard Marcadé, "Xavier Noiret-Thomé n'a pas de la peinture une conception puritaine et absolutiste. Il l'accepte autant pour sa "grandeur" (son histoire, ses figures tutélaires) que pour sa "faiblesse" (son impureté, voire sa trivialité). L'art de Xavier Noiret-Thomé est, dans son déploiement, à la fois figuratif et abstrait, iconophile et iconoclaste, savant et populaire, contemporain et intempestif...", écrit-il. Toutes les techniques se combinent : l'huile puis l'acrylique, la laque, le spray, le chrome, l'encre, l'ajout d'objets tels des pièces de monnaie, miroirs, écrous, jusqu'à la réalisation de sculptures-objets protéiformes. Xavier Noiret-Thomé conçoit toute l'histoire de sa peinture comme une histoire de télescopages. Aucune linéarité dans la perception de cette oeuvre, le spectateur se trouve face à un développement complexe et instable, qui échappe à toute catégorie, tout déterminisme, tout confort.
Extrait
Penser le regard, la peinture
DENYS ZACHAROPOULOS
Il n'y a pas d'art authentique qui ne se révèle une seconde à nos yeux fatalement. Il n'est pas d'artiste qui ne reproduise par son oeuvre ce choc qui s'offre à lui presque comme la lumière soudaine à laquelle s'expose l'oeil du nouveau-né. L'occasion d'assister à un tel moment fatal dans le travail d'un artiste reste pour nous chose rare, voire impossible en dehors de l'oeuvre qui la saisit et la transmet à l'autre qu'elle pose parfois face à cet instant miraculeux où le regard se forme pour la première fois et fonde les conditions qu'il porte en lui comme un signe non pas astrologique mais artistique, une vie durant, et que le spectateur repère et reconnaît par la suite.
Il se peut que, dans sa vie, un professionnel assiste parfois physiquement à un tel moment. Il se trouve présent soit par le hasard ou la chance à l'endroit même où un tel événement fondateur d'une oeuvre advient. Cela devient alors une expérience renversante qui bouscule les évidences et contribue à former un regard qui se tiendra suspendu à vie entre la présence de l'artiste qui se révèle devant l'oeuvre et l'oeuvre qui se révèle à nos yeux en déplaçant toute personne vers un espace mouvant, vectoriel, complexe et variable.
Aimer l'oeuvre d'un peintre consiste alors à pouvoir s'accorder à ce regard qui se glisse subrepticement au milieu de tous ces vents et événements multiples et simultanés qui donnent la série infinie d'oeuvres et les retournements incessants de l'artiste et de nous-mêmes. C'est alors ce regard qui nous fait savoir comme une chose entendue, l'évidence de ce que l'on est en train de poursuivre par son biais, loin de tout symptôme psychologique, de tout cas psychanalytique.
Car ce que l'on est en train de regarder n'est ni le fait du génie créateur ni le hasard heureux du moment. Il s'agit le plus souvent d'une entente licite entre peintre et spectateur. D'une entente entendue presque préalablement qui se conclut d'emblée et à distance comme dans le cas de deux navires qui se retrouvent loin de toute terre au milieu des océans et se saluent loin de toute déclaration formelle de bonnes intentions par un sens agréé de la nécessité quasi secret, muet, complice et incontournable en même temps.
Aucun souci d'originalité ou d'éclat ne perturbe l'entente dont aucun tiers n'est témoin. Le regard dont il est ici question saisit au milieu d'un monde constitué presque comme une totalité close en elle, un infime détail, une chose - point, ligne, plan - qui se déplace par rapport à l'ordre convenu des choses et que le regard déplace à son tour rien que par le fait de l'avoir saisi. Alors, ce regard soudain transforme le barbouillage savant qu'est la peinture en une oeuvre qui s'offre avec le sentiment d'une rencontre et par le fait d'un débordement.
Dans ce cas, la peinture se révèle au peintre par le même sentiment que Pascal attribue au philosophe et qui dit «se moquer de la philosophie c'est vraiment philosopher». Car seul celui qui peut se moquer de la peinture peut aussi peindre vraiment. C'est alors ce à quoi assiste celui qui se trouve face à l'instant miraculeux d'un regard premier. Il est confronté à l'aise avec laquelle le regard se moque de ce qu'il y a à voir. Il l'embrasse et le crache en même temps, en se moquant de l'un comme de l'autre, en se moquant des gestes ou des attitudes qui le reproduisent ou le circonscrivent, le captent dans un langage ou le lâchent dans la nature.
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