Philippe Collas

Deux choses m’ont toujours intéressé : la politique et l’écriture. L’une et l’autre parlent ou devraient parler à l’imaginaire, c’est tout du moins ce que je croyais (et ce que je crois toujours au fond) quand je me suis lancé à la conquête de ma vie. Le hasard fait finalement bien les choses car j’ai suivi ce parcours dans l’ordre et dans le désordre, suivant un chemin chaotique qui en apprend plus que bien des lignes droites.

Ayant sagement terminé mes études, je me suis retrouvé Assistant Parlementaire du Président de la Commission des finances du Sénat, titre ronflant au propre comme au figuré (la moyenne d’âge de cette digne assemblée devant dépasser les 70 ans). Un an et demi plus tard, j’ai l’opportunité de pouvoir entrer à l’Elysée pour travailler auprès d’Anne Meaux. Mon rôle consistait alors essentiellement à tenir le Président informé quotidiennement des humeurs de la presse. C’était passionnant et plein d’avenir pour le jeune Rastignac que j’étais mais les élections de 1981 coupent court à mes perspectives Elyséennes.

Un peu déboussolé, je deviens alors, sans doute par masochisme, Délégué Général adjoint de la Chambre Syndicale du fer blanc et du fer noir et Secrétaire Général de la conférence européenne des boîtes et bouchages, la longueur du titre allant en proportion exactement inverse de l’intérêt du travail. Pour tout dire, cela m’allait comme un gant à une langouste.

C’est alors que j’ai la chance de rencontrer Pierre Cardin qui me propose de devenir Relation Public de Maxim’s. Pendant quelques mois, j’exerce un peu tous les métiers pour connaître la maison (y compris “Dame Pipi”, poste plus passionnant qu’il n’y paraît car je m’y suis fait de très bons pourboires...) Cardin était pour la formation sur le tas (ce en quoi il n’avait pas tort) et me répétait souvent avec un petit sourire sardonique : « Les fils de bourgeois font toujours les meilleurs domestiques ». L’attrait historique de cette grande maison qui frémissait encore des chairs des grandes cocottes de ce siècle me fit accepter ce parcours du combattant avec le sourire. Bien m’en a pris car peu de temps après avoir épuisé les honneurs de mon poste chèrement acquis, Cardin me proposa autre chose. Je pense que j’avais fini par le persuader d’être digne d’être sorti des classes laborieuses. Il me confie alors la direction artistique de l’Espace Cardin, fonction que j’occupe en duo avec Cyril Viguier (alors tout fraîchement débarqué de Bordeaux.) Nous avons carte blanche pour tenter de redonner vie à l’endroit. Nous nous lançons alors dans des opérations diverses ( production du premier groupe de rock russe en Occident, tour de chant de Juliette Gréco, spectacle de tango argentin et montage de pièces et opéras..) mais notre projet principal reste l’organisation d’une soirée, intitulée pompeusement (nous étions jeunes), “La Soirée des Stars de l’an 2000”... À cette occasion, nous regroupons des jeunes talents encore peu connus, voire inconnus que nous essayons de promouvoir. C’est à cette occasion que Patrick Bruel ou Florent Pagny ont pu chanter pour la première fois en public et c’est Jean Paul Goude que nous avions choisi comme conseiller artistique pour la mise en scène.

Mais j’avais encore la bougeotte. On me propose de partir aux Etats-Unis pour le Ministère de La Culture et Le Ministère des Affaires Étrangères. Mission : étudier le système télévisuel américain et établir un rapport qui servira de base pour la mise en oeuvre du câble français. J’accepte immédiatement.

C’est à mon retour, qu’un peu perdu entre mes différentes options et le désir de choisir une voie dans laquelle je puisse m’épanouir, je décide de tout arrêter pour prendre des cours de théâtre. Je rêvais de devenir acteur, j’ai heureusement compris assez vite que ma véritable vocation était ailleurs : j’ai commencé à écrire ou plus exactement à oser écrire car je le faisais depuis des années mais la plume a dans ce pays un prestige qui m’impressionnait trop pour me lancer dans cette aventure.

Il m’a fallu plusieurs années pour pouvoir vivre de ce métier et j’en ai donc exercé beaucoup d’autres à côté. Des métiers variés mais qui me rapprochaient tous de ce que je voulais faire, car tous m’ont permis d’observer l’humain, ce qui demeure finalement ma matière première essentielle. J’ai donc été successivement :

- Intermédiaire dans l’immobilier (ça marchait encore)

- Intermédiaire en objets d’art (je n’ai jamais été arrêté)

- Cuisinier à domicile (j’ai pris 10 kilos)

- Voyant (j’ai beaucoup appris et j’en garde un respect infini pour mes maîtres, tout en déplorant que la profession soit envahie par 90% de mages égotiques.)

- Pigiste....

En 1989, j’ai eu le Prix de Rome hors les Murs ce qui m’a mis à l’abri financièrement pendant quelque temps et m’a permis de mener à bien mon travail sur Louis II de Bavière.

En 1991, on m’a remis le Prix Anne Philipe. Sa vocation était de distinguer un jeune auteur et de lui permettre de se faire connaître. Ma pièce « Criminel Tango » a été choisie parmi 600 autres par un jury prestigieux (Jean-Claude Brialy, Philippe Noiret, Daniel Auteuil, Pierre Arditi, Francis Perrin, Ludmilla Mikael, Robin Renucci, Jacques Lang, Claude Roy, François-Régis Bastide, Jérôme Garcin et Anne-Marie Philipe…)

Aujourd’hui, après une dizaine de livres ; une expérience théâtrale artistiquement éprouvante même s’il y eut le succès public ; un passage à la télévision guère plus exaltant, diverses activités de script doctor, des rencontres baroques et multiples… je suis curieux de connaître la suite tout en étant convaincu qu’il faut être ambitieux pour avoir une chance de réaliser un jour ses rêves d’enfants.

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