Synopsis
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Extrait
La lumière d'un spot éblouissant tombait d'aplomb sur la chevelure blonde d'Ernst, impeccablement partagée par une raie sur le côté droit. Fascinée, Christine ne parvenait pas à détourner les yeux de la masse de cheveux clairs du jeune homme, drus et fraîchement coupés comme du blé moissonné. Son regard glissa sur le profil parfait de l'Allemand, son nez droit, sa bouche fine qui s'ouvrait sur deux rangées de dents bien plantées, son menton qui aurait paru un peu trop carré et volontaire s'il n'avait été divisé par une fossette presque enfantine qu'elle trouvait très émouvante. L'idée qu'ils formaient un couple idéal, elle si brune et lui si blond, la traversa un instant. Elle la chassa en s'insultant intérieurement d'avoir des fantasmes de midinette.
Sur la scène du Crazy Romy, la discothèque in du Tout-Munich, au coeur du Schwabing, quartier qui est à la capitale bavaroise ce que Greenwich Village est à New York et Saint-Germain-des-Prés à Paris, à deux pas de la Wedekindplatz, ça swinguait drôlement devant le rideau rouge genre Cabaret. On s'attendait à voir débarquer Liza Minelli en collant noir et à entendre monter les syllabes lancinantes, nostalgiques, d'une complainte allemande racontant l'amour et la mort d'un soldat tué au front. La seule différence était qu'un orchestre funk occupait la scène : dix musiciens affublés de perruques synthétiques et brandissant des guitares en forme de licorne. Sur chaque tee-shirt, on pouvait lire une inscription éloquente : «Cocaïne», «LSD» ou «Héroïne.» Le leader en perruque mauve avait empoigné le micro fluorescent et hurlait un tube de Funkadelic, le groupe à la mode de l'autre côté de l'Atlantique. Immédiatement, la piste de danse se mit à tanguer comme un bateau et la foule, où se mélangeaient des punks rasés avec une mèche rouge en forme de crête de coq, d'énormes Bavarois cravatés à en éclater et de jeunes gauchistes en robe indienne des groupes «alternatifs» munichois, prit un faux air de ghetto noir en transe. Un Harlem pour visages pâles - ou cramoisis selon le taux d'alcoolémie qu'on avait dans le sang.
Soudain, Christine sursauta et reposa précipitamment sur la table la bière dunkel qu'on lui avait servie dans un énorme Krug en grès dont les flancs violemment coloriés représentaient une fête villageoise. Elle eut l'impression qu'une chaleur irradiante envahissait son ventre et rayonnait lentement en elle. Elle n'avait pas besoin de tourner la tête pour voir qu'Ernst était toujours parfaitement immobile à sa droite, comme statufié dans la contemplation du chanteur à jupette tahitienne qui susurrait en anglais : «I'm full of shit, you're full of shit, everybody's full of shit.» L'essentiel de la philosophie funk tenait dans ces mots peu aimables que les filles et les garçons qui dansaient, souriant aux anges, étaient à cent lieues de traduire.
La main droite d'Ernst était restée sur la petite table recouverte de velours rouge.
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