Synopsis
" Mais à propos, se dit Fabrice étonné en interrompant tout à coup le cours de ses pensées, j'oublie d'être en colère ! Serais-je un de ces grands courages comme l'antiquité en a montré quelques exemples au monde ? Suis-je un héros sans m'en douter ? Comment ! moi qui avais tant peur de la prison, j'y suis, et je ne me souviens pas d'être triste ! c'est bien le cas de rire que la peur été cent fois pire que le mal. Quoi ! j'ai besoin de me raisonner pour être affligé de cette prison, qui, comme le dit Blanès, peut durer dix ans comme dix mois ? Serait-ce l'étonnement de tout ce nouvel établissement qui me distrait de la peine que je devrais éprouver ? Peut-être en un instant je tomberai dans le noir malheur que je devrais éprouver. " " Dans tous les cas, il est bien étonnant d'être en prison et de devoir se raisonner pour être triste ! Ma foi, j'en reviens à ma supposition, peut-être que j'ai un grand caractère "
Extrait
«Le Feu dans le caillou»
par Honoré de Balzac
M. Beyle, plus connu sous le pseudonyme de Stendhal, est, selon moi, l'un des maîtres les plus distingués de la Littérature des Idées, à laquelle appartiennent MM. Alfred de Musset, Mérimée, Léon Gozlan, Béranger, Delavigne, Gustave Planche, Mme de Girardin, Alphonse Karr et Charles Nodier. [...]
Cette École, à laquelle nous devons déjà de beaux ouvrages, se recommande par l'abondance des faits, par sa sobriété d'images, par la concision, par la netteté, par la petite phrase de Voltaire, par une façon de conter qu'a eue le XVIIIe siècle, par le sentiment du comique surtout. M. Beyle et M. Mérimée, malgré leur profond sérieux, ont je ne sais quoi d'ironique et de narquois dans la manière avec laquelle ils posent les faits. Chez eux, le comique est contenu. C'est le feu dans le caillou.
La Chartreuse de Parme est dans notre époque et jusqu'à présent, à mes yeux, le chef-d'oeuvre de la littérature à idées, et M. Beyle y a fait des concessions aux deux autres écoles, qui sont admissibles par les bons esprits et satisfaisantes pour les deux camps.
Si j'ai tant tardé, malgré son importance, à parler de ce livre, croyez qu'il m'était difficile de conquérir une sorte d'impartialité. Encore ne suis-je pas certain de la garder, tant à une troisième lecture, lente et réfléchie, je trouve cette oeuvre extraordinaire.
Je sais combien de plaisanteries excitera mon admiration. On criera, certes, à l'engouement quand j'ai tout simplement encore de l'enthousiasme, après le temps où il aurait dû cesser. Les gens d'imagination, dira-t-on, conçoivent aussi promptement, qu'ils l'oublient leur tendresse pour de certaines oeuvres auxquelles le vulgaire prétend orgueilleusement et ironiquement ne rien comprendre. Des personnes simples, ou même spirituelles et qui de leurs superbes regards effleurent les surfaces, diront que je m'amuse à des paradoxes à donner de la valeur à des riens, que j'ai, comme M. Sainte-Beuve, mes chers inconnus. Je ne sais pas composer avec la vérité, voilà tout.
M. Beyle a fait un livre où le sublime éclate de chapitre en chapitre. Il a produit, à l'âge où les hommes trouvent rarement des sujets grandioses et après avoir écrit une vingtaine de volumes extrêmement spirituels, une oeuvre qui ne peut être appréciée que par les âmes et par les gens vraiment supérieurs. Enfin, il a écrit le Prince moderne, le roman que Machiavel écrirait, s'il vivait banni de l'Italie au XIXe siècle.
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