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[AFFAIRE DREYFUS] ZOLA, Émile (1840-1902) Lettre autographe signée (paraphe) à Alice Mirbeau S.l. [Addlestone], mardi 30 août [18]98, 4 p. in-8° sur papier vergé Pliure centrale habilement renforcée, petites rousseurs, légère tache en marge inférieure du second feuillet sans atteinte au texte Magnifique lettre d exil témoignant de l indéfectible engagement de l écrivain dans l affaire Dreyfus « Je vous remercie de votre bonne lettre, chère madame et amie, et surtout je vous remercie de l affection dont vous entourez ma chère femme, qui a grand besoin d être aimée dans les cruelles circonstances qu elle traverse. Vous me parlez avec un grand bon sens et une parfaite amitié de mon séjour ici. Moi aussi, je pense depuis longtemps que je pourrais sans danger y faire connaître ma présence et y prendre une attitude, que je saurais rendre utile et digne. Mais il y a aussi l autre parti, celui de rentrer en France et d y faire mon devoir jusqu au bout. Je ne puis donc encore me prononcer, j attends l avis de nos amis et j attends aussi les évènements. De toutes façons, d ailleurs, je ne puis guère rentrer avant la fin d octobre, car je désire que la chambre soit réunie et qu on ait liquidé toutes les autres affaires pendantes. Vous me touchez infiniment en m offrant vos services dévoués, ici et même à Paris. Ici, le mieux est que je vive encore ignoré, travaillant en paix dans une solitude dont personne le connaît le chemin. Mon travail, que j ai repris régulièrement, m est un grand repos. À Paris, certes, si j avais besoin de vous, je serais fort heureux de me confier à votre dévouement et à votre discrétion. Les infamies s entassent, cela devait être. C est avec un serrement douloureux de c ur que je songe à la pure victime qu ils vont encore condamner ; et cela ne me donne qu une passion, celle du sacrifice, la volonté de m immoler moi-même. Embrassez bien tendrement votre cher mari. Je sais tout ce qu il fait pour vous, et j en suis profondément ému. Merci encore, chère madame et amie, et mille bonnes affections. Z » Condamné définitivement en appel le 18 juillet 1898 par le tribunal de Versailles, Zola quitte la France pour rejoindre l Angleterre. Sa lettre ouverte « J accuse… ! » parue dans L Aurore du 13 janvier 1898 vaut à l écrivain une amende de 3,000 francs et 1 an d emprisonnement. Engagé corps et âme pour la défense du capitaine Dreyfus, Zola est poussé à l exil par Clemenceau et Labori, et par la même occasion au silence. Tenu éloigné de la fournaise parisienne en proie à toutes les passions autour de l affaire, Zola laisse parfois entrevoir depuis l Angleterre, à l image de cette lettre, une part de frustration à ne plus être au centre de l échiquier. Au moment même où il rédige cette lettre, Zola ne le sait pas encore, mais l affaire est sur le point de basculer en ce 30 août. Après avoir complété le dossier Dreyfus par une pièce qu il a lui-même fabriquée, le commandant Henry passe aux aveux après que son faux ait été découvert par le capitaine Cuignet, attaché militaire du ministre Cavaignac. Conduit immédiatement en détention au Mont Valérien, Henry se suicide le lendemain dans sa cellule, la gorge tranchée au rasoir. Déjà écroué à la Santé au mois de juillet 1898, Picquart l est de nouveau à la prison du Cherche-midi le 22 septembre, donnant ici raison à la prédiction de Zola. Bibliographie : Correspondance, éd. Maurice et Denise Leblond, Bernouard, 1929, t. II, p. 811 Correspondance, t. IX, éd. du CNRS, p. 285-286, n°186.
N° de réf. du vendeur ABE-1737130494519
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