A propos de cet article
"3 pages et demie in-8 (209 x 133 mm), à l'encre brune sur papier vergé bleu. Chemise demi-maroquin noir, plats de papier veiné noir, étiquette de titre au premier plat, dos lisse, auteur doré, trace de pliures, quelques taches marginales sans gravité, deux petites restaurations à l'adhésif aux pliures (chemise moderne). Magnifique lettre de Flaubert à son ami Théophile Gautier, la plus belle et la plus longue connue de leur correspondance. Dans cette longue lettre amicale, Flaubert évoque le séjour de Gautier en Russie (de septembre 1858 à mars 1859), s'emporte contre le monde littéraire parisien et évoque la rédaction de Salammbô, dans laquelle il est totalement plongé. Flaubert a appris par le "gars Feydeau" que Gautier est en Russie et reviendra fin février : "Alleluia ! Car je m'ennuie de ta personne incroyablement. […] Souvent je pense à ta mirifique trombine perdue au milieu des neiges. Je te vois sur un traîneau, tout encapuchonné de fourrures baissant la tête et les bras croisés […] As-tu fait des verres ? pardon de la question qui est stupide. Je veux dire que tu nous dois un recueil lyrique intitulé les hyperboréennes ou l'Ours Blanc. Tu retrouveras ta patrie encore plus stupide que tu ne l'as quittée ! Les hommes maintenant portent des manches à gigot. Cet amour du manche de gigot me semble un indice obscène, un curieux symbolisme comme dirait le père Michelet." Suit une diatribe sur L'Amour de Michelet : "Il ne parle que de ça, ne rêve qu'ovaires, allaitement, lochies et unions constantes. C'est l'apothéose du mariage, l'idéalisation de la vesse conjugale, le délire du Pot au feu !" Puis il décrit en détail la rédaction de Salammbô : "depuis trois mois, je vis ici complètement seul, plongé dans Carthage & dans les bouquins y relatifs. Je me lève à midi et me couche à trois heures du matin. Je n'entends pas un bruit. Je ne vois pas un chat. Je mène une existence farouche et extravagante. Puisque la vie est intolérable, ne faut-il pas l'escamotter [sic] ? Je ne sais ce que sera ma Salammbô. C'est bien difficile. Je me fouts [sic] un mal de chien. Mais je te garantis, ô Maître, que les intentions en sont vertueuses. Ça n'a pas une idée, ça ne prouve rien du tout. Mes personnages, au lieu de parler, hurlent d'un bout à l'autre. C'est couleur de sang, il y a des bordels d'hommes, des anthropophagies, des éléphants et des supplices. Mais il se pourrait faire que tout cela fût profondément idiot et parfaitement ennuyeux. Quand sera-ce fini ? Dieu le sait !" Il continue à jouir du mépris des honnêtes gens, et est impatient de revoir Gautier : "Il me tarde bien d'être à la fin du mois prochain seul avec toi, les coudes sur la table, dans mon humble réduit du boulevard." Gustave Flaubert rencontra Théophile Gautier en 1849 lors d'un dîner avec Maxime Du Camp et Louis Bouilhet, à la veille de son départ pour l'Égypte. Il en résulta une longue amitié dont témoigne une correspondance de 37 lettres échangées entre le 13 août 1850 et le 19 mai 1872 (31 lettres de Flaubert et 6 lettres de Gautier). La plupart sont de simples billets au ton relevé, Flaubert rappelant à son compère qu il l'attend de pied ferme pour causer. Les deux amis se voyaient aussi chez Madame Sabatier, chez la princesse Mathilde ou chez Jeanne de Tourbey. Cette lettre, en raison de la distance qui les sépare alors, est sans doute la plus révélatrice du lien très fort qui les unissait. Elle est aussi remarquable pour les passages sur la rédaction de Salammbô. Théophile Gautier attendait avec impatience la publication du roman oriental de son ami et, dès sa parution, il en fit un compte rendu très élogieux dans Le Moniteur du 22 décembre 1862. Cette superbe lettre est reproduite dans la Correspondance, éd. de la Pléiade, III, p. 10-11. Elle fut exposée lors de l Exposition Flaubert à la BnF en 1980 (cat., n° 274). Elle provient des collections Léopold Marchand (vente".
N° de réf. du vendeur 1210
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