Livres anciens, rares et de collection

Petit guide du collectionneur de livres de cuisine

Inscrite au patrimoine culturel immatériel de l'humanité depuis 2010, la gastronomie française occupe une place à part dans le cœur des Français et de nombreux collectionneurs de livres anciens.

Le livre de cuisine tel que nous le connaissons aujourd’hui, manuel pratique, agrémenté de photos ou illustrations pour un large public, est un objet très récent dont l’épopée démarre au Moyen-Âge.

Si de premiers écrits consacrés à l'art culinaire apparaissent dans l'Antiquité gréco-latine, c'est Le Viandier de Guillaume Tirel alias Taillevent, paru entre la fin du XIIIe et le début du XIVe siècle, qui est considéré comme le premier « livre de cuisine » en France. Encouragé par Charles VI, dont il est le cuisinier, Taillevent consigne dans ce traité culinaire des recettes d’« appareillages » (sauces, ragoûts, etc.) riches en épices (safran, gingembre, poivre, cannelle) conçus pour présenter les viandes et les poissons lors des banquets.

C'est une cuisine fastueuse, d'essence aristocratique voire politique qui est au c'ur des premiers ouvrages médiévaux. Le public des copies disponibles à l'époque se limite à un cercle restreint de lettrés de haut rang, membres de la cour, grand maîtres queux ou médecins. Par conséquent, le tirage des premiers ouvrages culinaires est extrêmement limité. Il n'existe que quelques manuscrits ou fragments conservés du Viandier, dont le plus ancien manuscrit se présentait sous la forme d'un rouleau.

Avec Le Ménagier de Paris, Traité de morale et d'économie domestique composé vers 1393, la cuisine devient aussi l'affaire de la bourgeoisie, mais son public reste confiné aux hautes sphères.

La Varenne consomme la rupture avec la cuisine médiévale en remplaçant les épices par les fines herbes et en réservant le sucre aux desserts dans Le cuisinier françois (1651) et Le pâtissier françois (1653), qui lui est également attribué. Ce dernier opus se démarque également des réceptaires médiévaux en intégrant des indications précises sur les proportions des ingrédients et la durée de cuisson, mais cette démarche novatrice reste isolée à l'époque. La tradition orale de transmission des savoirs culinaires a encore de belles années devant elle.

Entre art et politique, la littérature culinaire se diversifie

L'époque moderne et l'essor de l'imprimerie voient le nombre de titres consacrés aux arts de la table grossir et se diversifier. La cuisine a définitivement accédé au rang d'art de vivre, art qui se démocratise avec des ouvrages de plus en plus pratiques, comme La cuisinière bourgeoise de Menon (1746) ou Le Cannameliste français, de Joseph Gilliers, paru en 1768, qui répertorie recettes et aliments par ordre alphabétique.

A l'aube de la Révolution, les préoccupations sociales s'invitent dans les livres consacrés à la cuisine et à l'alimentation. Pour pallier les famines engendrées par la disette, certains auteurs préconisent des recettes à base de riz et de pomme de terre comme La cuisine des pauvres de Claude-Marc-Antoine Varenne de Beost (1772) ou Le Traité sur la culture et les usages des pommes de terre, de la patate, et du topinambour du célèbre Antoine Parmentier (1789). En 1794 paraît le premier livre de cuisine écrit par une femme en France, La Cuisinière Républicaine.

La Révolution française apporte un changement majeur dans les habitudes culinaires en France avec l'apparition des restaurants et de la littérature gastronomique et critique. Deux gastronomes incarnent ce tournant : Grimod de La Reynière avec L'Almanach des gourmands (1803), considéré comme le premier guide gastronomique et Brillat-Savarin qui ambitionne de fonder une nouvelle science dans La Physiologie du goût, publiée en 1825.

Napoléon, qui n'était pas un gastronome patenté, se préoccupe essentiellement du ravitaillement des troupes et encourage le développement de nouvelles techniques, comme la boîte de conserve créée par Nicolas Appert, auteur de L'art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales et végétales (1820).

L'ère des chefs et des critiques

La vision napoléonienne très pragmatique de la cuisine ne freinera en rien le rayonnement de la cuisine française. Antonin Carême, le créateur de la pièce montée, devient le premier « chef » de ce nom et publie Le pâtissier royal parisien (1815) et Le maître d'hôtel français (1822). Son élève Jules Gouffé, auteur du Livre de cuisine (1867) poursuivra sa vision décorative de la pâtisserie et sera une source d'inspiration pour La cuisine moléculaire. En 1830, Charles Durand surnommé « Le Carême de la cuisine provençale » inaugure le concept de cuisine régionale dans Le cuisinier Durand.

Auguste Escoffier, cuisinier des grands hôtels (Ritz, Savoy, Carlton, etc.) sera décoré de la légion d'honneur. Créateur de la pêche Melba, Escoffier apporte sa « griffe » aux recettes traditionnelles dans Le guide culinaire (1903) et réforme l'organisation des cuisines. L' « ère des chefs », ne fait que commencer, nourrie par l’apparition de guides gastronomiques grand public comme le Guide Michelin, né en 1900, et du Gault et Millau à partir des années 1960.

Les revues font leur apparition, notamment sur l'impulsion du « prince des gastronomes », le journaliste Curnonsky qui rêve de créer une « Académie des gastronomes » sur le modèle de l’Académie française. On lui doit les revues La France gastronomique (1921-…), La bonne table et le bon gîte (1927) et Cuisine et Vins de France en 1947.

La recette de cuisine s'impose dorénavant comme un mode d'emploi indispensable au quotidien et le nombre de publications et de formats (fiches-recettes, émissions de télévision, blogs, etc.) ne faiblira pas jusqu'à nos jours. Si les auteurs se diversifient, avec les recettes de fabricants comme SEB ou Tupperware, les grands chefs contemporains comme Paul Bocuse, Alain Ducasse ou encore Joël Robuchon, pour n'en citer que quelques-uns, conservent une place prépondérante dans l'édition des livres de cuisine.

Le nombre de livres consacrés à la cuisine et à la gastronomie en France et dans de nombreux pays peut donner le vertige. Pour un collectionneur débutant dans ce domaine, il peut être judicieux de se spécialiser sur une période précise, une région, un pays, un type d'illustration, un aliment en particulier (comme le riz) ou encore sur les livres signés par les auteurs eux-mêmes ou d'autres personnalités. A moins de rechercher les livres de recettes qui ont bercé la cuisine familiale ?

Une collection dédiée aux arts de la table peut aussi intégrer d’autres supports que le livre de cuisine. Les guides, les revues gastronomiques ou encore les menus disposés lors de grands événements (mariages, conférences internationales, etc.), dont certains peuvent être signés par des personnages célèbres sont autant de documents éphémères qui peuvent apporter une note personnelle et originale à une collection.

Livres de cuisine modernes à collectionner

Les livres de cuisine les plus chers vendus sur AbeBooks

Mastering the Art of French Cooking: Volumes 1&2 de Julia Child - $8,500

Les premières éditions des deux volumes du grand classique. Ces exemplaires sont dédicacés par Julia Child et la coauteure du livre de cuisine, Simone Beck et comportent les inscriptions « Bon Appetit to Madeline Julia Child » et « Bon Appetit Julia Child ».

A Guide to Modern Cookery de A. Escoffier - $5,125

Le Guide Culinaire de Georges Escoffier a tenté de simplifier les menus du jour des restaurants français. Il a été publié pour la première fois en 1903. Cette copie est une traduction anglaise, parue en 1907. Escoffier l’a dédicacée à Sarah Morgan, qui a travaillé à l'Hôtel Cavendish de Londres.

Les Diners de Gala / The Dali Cookbook de Salvador Dali - $5,000

Publié en 1973, ce magnifique livre a été conçu et illustré par le maître du surréalisme. Cet exemplaire a été signé au feutre par Dalí.

Le Pâtissier Royal Parisien, ou Traité élémentaire et Pratique de la Pâtisserie ancienne et Moderne, de l'entremets de Sucre, des Entrées froides et des socles de Antonin Carême - $4,528

Premier ouvrage écrit par Antonin Carême, cuisinier de Talleyrand et père de la pièce montée. Publié pour la première fois en 1815, il contient 32 planches et a été relié en basane. Ce livre a posé les bases de la cuisine moderne.

Wild Raspberries de Andy Warhol & Suzie Frankfurt - $4,500

Un livre de recettes en édition limitée. En 1959, Warhol a travaillé avec la société mondaine francfortoise pour produire un livre de cuisine ironique et fantaisiste. Il contient 19 illustrations pour accompagner des recettes telles que « Omelet Greta Garbo » et « Piglet a la Trader Vic's ».

Julia and Jacques Cooking at Home de Julia Child & Jacques Pepin - $3,500

En 2000, la chef américaine Julia Child et le chef français Jacques Pepin co-animait une émission de télévision de cuisine afin de présenter la meilleure façon de préparer divers plats français et américains. Cette première édition du livre issu de l’émission, a été signée par Child et Pepin eux-mêmes, il contient 150 recettes et 328 photos en couleur.

Cuisine artistique. Etudes de l'école moderne de Urbain Dubois - $2,600

Première édition de deux volumes publiés en 1872-74. Son auteur, Dubois (1818-1901), était un chef français, plus connu pour sa série de recettes françaises, il est l'inventeur du « veau Orloff ». À Paris, il était le chef cuisinier du prince Alexeï Orlov, un ambassadeur de la Russie de Nicolas Ier. En 1860, il est devenu le chef cuisinier du prince régent, Guillaume de Prusse à Berlin.

The Art of Cookery made Plain and Easy de Hannah Glasse - $2,875

Une première édition américaine du grand livre de cuisine d’Hannah Glasse. Après une première publication en Angleterre en 1747, les recettes de cette édition ont été légèrement adaptées au climat plus clément de la Virginie.

Modern Cookery in All Its Branches de Eliza Acton - $2,712

Comme le sous-titre de l’ouvrage l’indique, Eliza Acton met l’accent sur l’aspect pratique de la cuisine moderne, « réduite à un système de gestes simples à l’usage des familles, à travers une série de recettes testées minutieusement et restituées avec exactitude ». Acton a introduit dans le livre de cuisine des éléments aujourd’hui indispensables, tels que la liste des ingrédients et l’indication du temps de cuisson.

American Cookery, or, The Art of Dressing Viands de Amelia Simmons - $2,505

Publié pour la première fois en 1796, American Cookery est le premier livre de cuisine connu écrit par une Américaine. C’est le premier ouvrage imprimé qui mentionne la substitution de l’avoine britannique par la farine de maïs américaine. On ne connaît l’existence que de quatre exemplaires de la première édition. Cette édition est parue ultérieurement.

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